Interview de la troupe Baudrac & Co

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Vinaya par Gwen
Aujourd’hui, j’accueille Vinaya, une lectrice du blog qui a eu la bonne idée de me proposer d’interviewer une troupe de théâtre de sa région.

INTERVIEW: Jean-Claude Baudracco (JCB) et Jean-Paul Joguin (JPJ), comédiens par Vinaya

A l’occasion de la pièce de théâtre Fanny de Marcel Pagnol interprétée par la troupe Baudrac&Co à Villeneuve-Minervois (11) le samedi 13 décembre 2014, j’en profite pour interviewer deux comédiens, Jean-Claude Baudracco et Jean-Paul Joguin:

Comment as-tu intégré la troupe Baudrac&Co?

JPJ: A l’origine, Jean-Claude Baudracco tenait Le restaurant de la Clape à Armissan (11) où j’étais client. Déjà, c’était un passionné de Pagnol. Et en discutant, il a vu que ça me plaisait énormément. Il m’a dit «Je monte une pièce et il me faudrait un personnage…» Et ça s’est fait comme ça.

Tu avais déjà fait du théâtre avant?

JPJ: Non, jamais. Mais j’avais toujours évolué là-dedans, dans la musique… J’ai travaillé pour un groupe qui a été célèbre pendant un temps qui s’appelait Gold où j’avais participé à l’écriture des textes. Pour le théâtre, on a commencé en 1997. Il [JCB] m’avait proposé le rôle de Ludovic dans Cigalon de Pagnol. Ensuite, on s’est aperçu qu’on chantait et écrivait des sketchs un peu tous les deux. Puis, on a carrément créé un spéctacle dans son restaurant. On a fait nos classes de 1997 à 2000.

Et un producteur vous a repéré…

JPJ: Oui, il nous a engagé et on a monté avec lui la trilogie César, Fanny et Marius. On est resté avec ce producteur pendant deux ans. Ça nous a permis de nous faire pas mal de contacts. On a joué en France, en Suisse, à l’île de La Réunion… Ce sont des pièces qui sont éternelles. Ce sont des classiques que les gens redemandent. Depuis 2000, on tourne avec ces pièces-là et on a rajouté La fille du puisatier.

Comme tu n’avais jamais fait de théâtre, tu n’as pas eu trop de difficultés pour apprendre toutes ces répliques par exemple?

JPJ: Non, ça ne m’a pas posé trop de problèmes, surtout Pagnol. C’est un langage assez simple. Je dis souvent que c’est mon jardin. Quand j’étais petit, j’entendais parler comme ça. C’est une évidence pour nous de jouer ça. Après, avec Sophie Barbéro, on est passé à des œuvres un peu plus compliquées. Les textes étaient plus châtiés, plus difficiles à apprendre. Mais après, il y a un mécanisme de la mémoire qui s’installe et il n’y a pas de problèmes.

Tu fais beaucoup de théâtre mais tu fais aussi des films. Quelles différences perçois-tu entre jouer pour le théâtre et jouer pour le cinéma?

JPJ: L’occupation de l’espace est différente surtout le cinéma que l’on fait avec Stéphane Kowalczyk (Coups de Soleil, 1 rue Caussanel, Du bleu au-dessus des toits). C’est du cinéma expérimental. Quand on est à l’intérieur d’un cadre et qu’il faut jouer, il faut donner l’impression de l’espace alors qu’on est réduit. Au théâtre, c’est pas pareil, on peut naviguer, il faut occuper tout l’espace de la scène alors qu’au cinéma, tu sais que tu ne dois pas sortir du champ. Tu n’abordes pas les personnages de la même façon non plus. Au théâtre, il te faut légèrement exagérer, c’est «théâtral» comme on dit. Il faut davantage articuler et porter la voix pour qu’on t’entende jusqu’au dernier rang alors qu’au cinéma, tu peux chuchoter. Et le cinéma m’est plus difficile car j’ai tendance à exagérer. Au cinéma, il faut oublier la caméra, ou l’œil, pour donner le meilleur de soi-même et devenir le personnage, ça c’est le plus difficile. Ça fait 17 ans que je joue ce rôle de Panisse, le maître voilier du port de Marseille. Il est avec moi, il vit en moi. Je l’ai transformé à ma manière, je me le suis approprié sinon ce ne serait qu’une pâle imitation de ce qu’on a vu à la télé.

Et maintenant, tu passes à la réalisation car tu es actuellement en plein tournage de ton premier film…

JPJ: Alors, je ne sais pas ce que ça donnera parce que comme il nous vient des idées au fur et à mesure qu’on les couche avec Gilbert Corbières, le chef opérateur, que j’appelle le preneur d’images. On a tourné à Peyriac-Minervois et là on va tourner à Coursan (11).

Ça faisait longtemps que tu pensais à réaliser un film?

JPJ: Non, ça c’est beaucoup l’influence de Kowalczyk. Nous, ce qui nous manque, ce sont les moyens. On ne fait pas un cinéma commercial, donc on n’est pas aidé. C’est pour ça qu’on a créé ce qu’on appelle le «cinéma des occasions», c’est-à-dire qu’on prend toutes les occasions qui nous sont données pour tourner. Quand on a tourné 1 rue du Caussanel, on a vu qu’il y avait un musée des automates et on a vite demandé l’autorisation pour pouvoir y tourner. On se sert des occasions qui nous sont offertes. On demande, on va tourner chez des gens, chez des amis. On a des amis qui nous servent de comédiens. Patrick Milani, qui a joué dans et écrit Du bleu au-dessus des toits, est venu faire le perchiste pour mon film. C’était sympathique. Tout le monde s’aide car on n’a pas beaucoup de moyen dans ce cinéma-là. Mais c’est grâce à Stéphane Kowalczyk que j’ai eu envie de faire ça. Et ce qui m’a fait chaud au cœur, c’est que les gens participent à ce projet, qu’ils disent «D’accord, on vient» sans intérêt particulier, seulement parce qu’ils voulaient qu’on soit ensemble. J’adore le collectif, travailler ensemble. Le cinéma le permet. S’il y a de bonnes volontés, on peut faire quelque chose de bien.

Un petit conseil pour ceux qui veulent devenir comédiens?

JCB (créateur de la compagnie Baudrac&Co) : En général, quand quelqu’un a des dispositions, il devient comédien. Si Jean-Paul Joguin est devenu comédien, c’est par rapport à son talent. Il y a beaucoup de gens qui veulent faire du théâtre mais après, soit ils n’ont pas assez de passion ou soit il n’ont pas assez de talent, n’ayons pas peur des mots. Au début, on n’était entouré de personnes qui voulaient faire du théâtre mais ils n’ont pas persévérés. Ils ont montré leurs limites, ils se sont écartés d’eux-mêmes.

Comment vous sentez-vous une demie-heure avant de monter sur scène?

JPJ: On a l’habitude. Et puis, on l’a joué samedi dernier. Quand on joue dans les environs, on n’a pas besoin d’une grosse préparation.

JCB: C’est-à-dire qu’on est entouré de comédiens qui sont très talentueux, qui ont beaucoup de mémoire. Mais on n’est pas un exemple à suivre parce que c’est vrai qu’il faudrait se retrouver avant pour répéter.

Mais vous ne répétez pas avant une représentation?

JCB: Celui qui éprouve le besoin de répéter, qui n’est pas sûr de certaines scènes, il va contacter la personne qui doit lui donner la réplique. Et ils se retrouvent pour répéter. Chacun se sécurise comme ça. Au niveau de la mise en scène, ça, ça reste. Souvent avant de jouer, chacun lit son texte. En lisant son texte déjà, ça revient et la mayonnaise prend.

Comment vous organisez-vous pour monter une pièce?

JCB: En général, on monte une pièce en 15 jours, ce qui est rentable. On tourne la trilogie César, Fanny et Marius depuis 2002. On l’a répétée pendant deux semaines pour le jouer depuis plus de 10 ans alors qu’il y a des structures amateurs qui répètent de septembre jusqu’à juin pour donner une ou deux représentations, c’est tout. Mais nous, notre but, c’est de vendre des pièces, de prendre le téléphone et de vendre un peu partout en France et aussi ailleurs pour les jouer parce qu’on en fait tous notre métier. Il faut qu’on en vive. Et il y a en certains, comme moi, qui sont dans la mouvance des deux, du théâtre et des tournages de films. Je fais à peu près 3-4 films par an. J’ai mon fils, Julien Baudracco, qui joue aussi pour la télévision. Même mon petit-fils de 3 ans va jouer dans la série Candice Renoir et mon autre petit-fils d’un mois va être le bébé de l’actrice principale d’un film. Il commence tôt!

N.B: Pour être au courant de l’actualité de la compagnie Baudrac&Co: http://www.jc-baudracco.com

De gauche à droite:JCB + JPJ

Jean-Claude Baudracco

et

Jean-Paul Joguin