Mon expérience avec Larry Clark

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Je vous l’avais annoncé dans mon dernier article, j’ai eu la chance de tourner avec le réalisateur américain Larry Clark. Cette expérience m’a beaucoup marqué et m’a apporté énormément.

J’hésite à vous la raconter jour par jour ou a en faire un bilan de ce que j’ai appris. Jour par jour me semble plus intéressant pour vous dans la mesure où je vous emmenerais avec moi dans le voyage que ça a été.

 

 

Jeudi 27 Juin.

 

« Binh, t’es de quelle origine au fait ? » me demande Anais, une charmante collègue de l’Actors factory, alors que je descend l’escalier qui mène au sous-sol du studio.

« Vietnamien »

« Et t’as des notions de vietnamien ?  »

« Oui un peu… » Je sens déjà mon coeur s’accélérer. Je sais qu’Anais est assiste la directrice de Casting Fabienne Bichet sur le casting du prochain long métrage de Larry Clark.

« Cool, bon, je te met sur le casting alors ! J’vais t’envoyer le texte par mail, il faudra que tu le traduise en vietnamien. Mardi 14h, ça te va ? »

« Euh oui ok ! »

C’était la veille de mon premier tournage professionnel avec Eric Bartonio, et un casting important se profilait déjà à l’horizon. Jouer en Vietnamien avait toujours été un objectif pour moi, et voilà que cette opportunité se présentait d’elle même.

Mon dernier voyage au Vietnam datait de 2006. J’y étais alors parti pour apprendre le vietnamien, découvrir la culture que je connaissais à peine, et retrouver une partie de moi était enfouie, reniée presque. J’y étais parti alors que j’aurais pu rester et passer les oraux du concours de professeur des écoles. J’avais passé les écrits sans conviction, et j’avais des notes suffisantes pour passer les oraux.

A l’époque déjà, je savais que je ne le voulais pas vraiment, et j’avais décidé que ce voyage était plus important pour moi.

C’est pendant ce voyage que j’ai adopté mon prénom Binh, prénom vietnamien que m’avait donné mon père mais que je n’avais jamais utilisé. C’est pendant ce voyage que je me suis fait un ami qui m’a permis de rencontrer de nouvelles personnes, de présenter un autre image de moi en assumant en France mon prénom Vietnamien. Cela m’a permis plus tard d’assumer ce que je voulais vraiment être : acteur.

 

Ce casting était aussi l’occasion d’investir mon père dans ma carrière. Je lui ai donc envoyé pour qu’il le traduise, puis je l’ai appelé pour enregistrer sa prononciation. Puis j’ai pratiqué encore et encore jusqu’à ce que je sois capable de dire le texte fluidement.

 

Sur le script original, le personnage était un jeune roumain de 15 ans. J’avais du mal à croire que je pourrais passer pour un jeune de 15ans. En fait si je me focalisais sur le résultat du casting, être pris ou non, je n’y croyais pas et je me disais que ça ne servait à rien. Et dans ces moments là, je me rappelais que le plus important c’est de s’amuser et qu’il faut prendre chaque casting comme une occasion de jouer. Une leçon que rappelait souvent ma coach.

Pour moi c’était donc l’occasion de jouer en Vietnamien, c’est ce que je voulais. C’était l’occasion de passer un casting pour un réalisateur américain, c’est ce que je voulais. Et c’était l’occasion de rencontrer la directrice de Casting Fabienne Bichet, c’est ce que je voulais.

 

Mardi 2 Juillet 2013.

Le mardi suivant, après un coaching de 2 heures sur le personnage, je me suis rendu au pôle emploi spectacle pour passer mon casting.

 

Je suis un peu en avance, il n’y a encore personne. J’ai peur… est-ce dû à ma préparation ? Sans doute. Mon personnage sort de la maison d’un fétichiste où il croit avoir rencontré le diable. La peur est donc normale.

Anaïs arrive et me fait entrer dans la salle du casting. Il y aura d’autres spectateurs : un jeune fille qui s’intéresse aux métiers du cinéma, et un jeune réalisateur. Fabienne arrive quelques minutes plus tard, sort sa caméra et m’explique comment ça va se passer.

« Tu vas dans le couloir, et quand je te dis action, tu viens devant la caméra et tu dis le texte ! Allez vas-y, action ! »

 

Wow, pas le temps de réfléchir, je suis dans la confusion, j’arrive devant la caméra, je joue. « Ok, dis moi le texte en Français ! Ok, ça a l’air bien, on la refait ! » C’est reparti pour un tour. Merci, au revoir !

Je me retrouve dehors un peu perdu… C’est passé très vite, je suis encore dans les états de mon personnage et je ne sais pas trop quoi penser de ce qu’il vient de se passer. En tout cas, c’est passé, pour le reste il n’y a rien à faire.

 

Fin de la journée, mon téléphone sonne. Anaïs m’annonce que j’ai été retenu. La production doit m’appeler plus tard dans la journée. Quelques minutes plus tard, mon téléphone sonne a nouveau. C’est la production qui veut vérifier mes coordonnées et mes disponibilités pour rencontrer Larry Clark. Evidemment, je suis disponible !

 

Vendredi 5 Juillet 2013.

 

Je suis encore en avance, je me pose dans le café en face de chez Larry Clark. J’attends qu’il soit l’heure et je vais chez lui. Dans son appartement, d’autres personnes attendent. Larry est là avec ses assistants. On nous demande de tous descendre pour faire passer les personnes une par une. Apparemment, personne d’autre ne correspond à mon rôle.

Je me retrouve a nouveau à la terrasse du café, en compagnie d’un charmante actrice qui me raconte qu’elle vient pour une silhouette. Elle sera nue dans la scène. Plus tard, j’apprendrai qu’elle sera en fait ma partenaire de scène.

De retour dans l’appartement de Larry, il m’explique qu’il a bien aimé ce qu’il a vu en vidéo et qu’il souhaite que je le refasse. Il me laisse le temps de me préparer dans sa cuisine. Je prends 2 minutes pour faire ma préparation et je sors de la pièce.

Larry est face à moi. Je lui parle en Vietnamien, il ne comprend rien à ce que je raconte. J’ai peur, je pars. Fin de la scène.

 

Il a bien aimé ce que j’ai fait, me félicite : « You got the role man ! »